Je reviens à elle, fasciné par la facture, la signature de son travail. Par ce surprenant mélange de classique et de très actuel, de sonate et d’improvisation. Par ces harmonies chromatiques. Par la minutie, l’esprit artiste qui gouverne l’oeuvre. La peinture hante son univers étrange, parfois fantastique, monstrueux et difforme parfois, animé d’ombres, de bains de lumière, d’estompements fantomatiques. Chaque oeuvre possède une vitalité surprenante, un rayonnement intense et singulier, un réel pouvoir de captation. On est là, dans une veine sombre, crépusculaire, dans un univers presque posément torturé, établi dans son angoisse, dans l’équilibre de son angoisse, entre Kafka et Poe (Lovecraft, parfois), entre Rembrandt et Bacon, entre un Tombeau de Marin Marais et la musica ricercata de Gyorgy Ligeti, pas loin de chez David Lynch, nulle part, en aucun endroit réellement connu, si ce n’est en une part intime et profonde de nous, ténébreuse, enfouie, dans l’intuition douloureuse que nous avons de notre propre difformité, de notre irrémédiable étrangeté. Dans le chaos calme de notre poésie intérieure et secrète. Dans les nervures même de notre âme. Dans cette époustouflante suite de portraits, Cochereau rend au plus près ce qu’est un être dans son énigme mouvante, dans ses convulsions, ses plaises, ses sutures, dans son irréductible complexité, en son fond. Isabelle Cochereau navigue dans les fonds marins de l’être et ramène de ses explorations des tableaux effarants, des miroirs sidérants et vraisemblables. Indispensables.
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