Isabelle Cochereau est une femme de parti-pris. Une artiste avec ses chemins de traverse et un mode de création qui déroutent au premier abord. Parce que depuis sa formation à Duperré, elle a choisi le numérique plutôt que les toiles et pinceaux et que c’est sur la Toile qu’on la croise le plus souvent. Artiste en bits, en Giga et en couleurs qui fait surgir ses constructions de l’histoire de la peinture, en la reconnectant au présent, par son art à la logicielle logistique et grâce à ses découpages/recollages qui surgissent des tirages avant de vous tomber sous l’œil, comme une toile du chevalet. Là, sur le mur de la salle d’exposition, des toiles, des cadres, Mais aussi des images numériques qui se démarquent depuis l’acte initiateur de Traître à la peinture où la peintre gît au sein d’une tâche de sang, main plastifiée et arme du crime à portée de regard : le couteau du peintre…
Depuis, Isabelle compose des images qui se succèdent sans se ressembler autrement que par leur processus : ses 18 Autoportraits (en quête d’une œuvre), sa série l’Amour est tout autre chose (des traces de ce qui ne jamais s’offre tout à fait, en creux et en bosses, en désir et en déplaisir, voir en horreur !). Il y a aussi la série en cours sur la Shoah, réalisée en duo avec le Guatémaltèque numérique Alvaro Sanchez qui, avance petit à petit et, a laissé place pour le moment à cette série sur le Temps, ses instances et ses énoncés.
Mais en parlant de Temps, la durée est la condition du déploiement d’une histoire. Elle suppose l’écoulement du temps et cet écoulement lui-même demeure, tandis que l’on ne peut pas se représenter l’instant pur, infiniment bref, sinon en en faisant une sorte de cliché photographique immobile. Tiens, voilà justement une toile numérique… Il faut alors accumuler les énoncés et faire de chaque œuvre une distension : le temps n’y est plus défini comme mesure du mouvement cosmique, mais comme entité psychologique. C’est le temps comme négation de l’être de St Augustin. Vous vous ferez bien encore une petite toile ?
Il existe d’autres façons d’aborder le projet : le temps informatique, celui des calculs machines d’entrée/sortie nécessaires à la fabrication des images par les logiciels pour arriver au résultat escompté par la créatrice. De l’idée à l’image.
Enfin, il y a celui d’où surgit la création, assimilé à la synthèse de l’énergie créatrice (energeia en grec) et du produit (ergon). Et Sartre d’ajouter : « Si l’œuvre d’art survit à l’artiste, on ne saurait la confondre avec une chose, c’est-à-dire une réalité qui demeure indépendamment de l’imagination humaine. C’est parce que nous contemplons un tableau qu’il est davantage que des pigments étalés sur une toile. » Imaginez le trouble qui peut vous saisir, en vous souvenant que la peinture d’Isabelle Cochereau est totalement numérique.
Sa démarche montre pourtant, avec une drôle de volte, quasi désinvolte, un retour à la toile et aux grands formats ; quasi au classicisme de l’exposition, en gardant la nouveauté du support. Match amical Apollon/ Dionysos, un point partout, la balle au centre.
Ces onze propositions ont été rendues possible par un appel à des donateurs qui ont tous, en échange, reçu un tirage signé de l’artiste. Nouveau mode de composition et de tirage en participation. Un signe des temps… Passant de la maternité, au travail, à la lutte, à la guerre, à la résistance, aux désirs des amours impossibles, à la dégénérescence, aux croyances perdues, pour figurer enfin la mort, l’artiste en Aristote 32bits construit/crée avec de nouveaux matériaux, pour de nouvelles approches sensibles. Comme si peindre, c’était aimer à nouveau.
Jean-Pierre Simard
Depuis, Isabelle compose des images qui se succèdent sans se ressembler autrement que par leur processus : ses 18 Autoportraits (en quête d’une œuvre), sa série l’Amour est tout autre chose (des traces de ce qui ne jamais s’offre tout à fait, en creux et en bosses, en désir et en déplaisir, voir en horreur !). Il y a aussi la série en cours sur la Shoah, réalisée en duo avec le Guatémaltèque numérique Alvaro Sanchez qui, avance petit à petit et, a laissé place pour le moment à cette série sur le Temps, ses instances et ses énoncés.
Mais en parlant de Temps, la durée est la condition du déploiement d’une histoire. Elle suppose l’écoulement du temps et cet écoulement lui-même demeure, tandis que l’on ne peut pas se représenter l’instant pur, infiniment bref, sinon en en faisant une sorte de cliché photographique immobile. Tiens, voilà justement une toile numérique… Il faut alors accumuler les énoncés et faire de chaque œuvre une distension : le temps n’y est plus défini comme mesure du mouvement cosmique, mais comme entité psychologique. C’est le temps comme négation de l’être de St Augustin. Vous vous ferez bien encore une petite toile ?
Il existe d’autres façons d’aborder le projet : le temps informatique, celui des calculs machines d’entrée/sortie nécessaires à la fabrication des images par les logiciels pour arriver au résultat escompté par la créatrice. De l’idée à l’image.
Enfin, il y a celui d’où surgit la création, assimilé à la synthèse de l’énergie créatrice (energeia en grec) et du produit (ergon). Et Sartre d’ajouter : « Si l’œuvre d’art survit à l’artiste, on ne saurait la confondre avec une chose, c’est-à-dire une réalité qui demeure indépendamment de l’imagination humaine. C’est parce que nous contemplons un tableau qu’il est davantage que des pigments étalés sur une toile. » Imaginez le trouble qui peut vous saisir, en vous souvenant que la peinture d’Isabelle Cochereau est totalement numérique.
Sa démarche montre pourtant, avec une drôle de volte, quasi désinvolte, un retour à la toile et aux grands formats ; quasi au classicisme de l’exposition, en gardant la nouveauté du support. Match amical Apollon/ Dionysos, un point partout, la balle au centre.
Ces onze propositions ont été rendues possible par un appel à des donateurs qui ont tous, en échange, reçu un tirage signé de l’artiste. Nouveau mode de composition et de tirage en participation. Un signe des temps… Passant de la maternité, au travail, à la lutte, à la guerre, à la résistance, aux désirs des amours impossibles, à la dégénérescence, aux croyances perdues, pour figurer enfin la mort, l’artiste en Aristote 32bits construit/crée avec de nouveaux matériaux, pour de nouvelles approches sensibles. Comme si peindre, c’était aimer à nouveau.
Jean-Pierre Simard