Sur le blog littéraire et poétique de Denys-Louis Colaux
J’aime l’art d’Isabelle Cochereau depuis longtemps. Chacune de ses créations m’impressionne et m’enchante. Elle a une manière incomparable. Un art saisissant d’incorporer et de faire correspondre les éléments dans une création, de les faire retentir ensemble, elle possède un sens de l’orchestration visuelle. Un art peu courant, pas ordinaire du tout de la composition. Techniquement, son travail est léché, habile, intense, maîtrisé, virtuose. L’orgueil et l’impeccable facture d’un véritable artisan, épris de son art.
Pour le reste, j’ai envie de rendre grâce. Cochereau est une créatrice d’univers, elle bâtit des espaces et des dimensions dans lesquels je prends plaisir à flâner, à éprouver, à ressentir. J’entre dans l’œuvre comme dans un verger onirique et j’y coule des instants magnifiques et intenses. Dans ce lieu du rêve, la réalité est toutefois convoquée, citée à comparaître, la réalité et le cauchemar. Tout ce que j’aime est ici au rendez-vous : la poésie visuelle, l’humour, l’allégresse, l’insolence, une originalité sans fatigue, la position offensive, la malice, la profondeur, la pertinence, le sens de la citation, l’intelligence, une électricité surréaliste tout à fait singularisée, personnalisée, un sens de la couleur, de l’expressivité, de l’atmosphère. Je pourrais, si je cédais à la tentation, longtemps allonger ce répertoire.
J’aime l’éloquence de ses œuvres, leur puissance évocatoire, l’oxygène qu’elles respirent. J’aime la pensée et la tournure d’esprit qui les hantent et les habitent, les soulèvent, les animent. Je suis sensible, totalement réceptif à chacun des thèmes que l’artiste aborde et à la façon dont elle souhaite les évoquer ; le temps, l’amour et tout autre chose, l’Olympe, l’autoportrait, la pin up, les écœurés, etc.
C’est curieux et plaisant, il y a chez elle, parmi les plumes qui font ses ailes, des éléments distincts qui coexistent assez heureusement : une dimension aérienne et de beaux élans de férocité (une férocité que le maintien n’abandonne jamais), et parfois, un art magnifique et très inspiré de l’iconoclastie. Tout cela s’opère et advient toujours dans une élégance de salon anglais (où, en raison d’une réelle audace, l’on n’hésitera pas toutefois à briser la théière et la porcelaine des conventions). Disons que lorsqu’elle gifle, le geste reste gracieux.
Dans ses suites thématiques, j’observe aussi un très réjouissant talent de mise en scène et un sens exaltant de la recherche, de l’approche, du traitement, du voyage intérieur, de l’introspection, le tout parfois saupoudré d’une surprenante et séduisante pincée d’ironie.
Dans la poésie visuelle, il me semble que Cochereau culmine, qu’elle se distingue justement par l’altitude à laquelle elle vole et crée. Je crois qu’il faut parler d’une sorte de noblesse pour caractériser le travail d’Isabelle Cochereau, de la présence d’une distinction, d’une féminité altière et dire qu’une grâce assez inédite patine chacune de ses œuvres. Sans que tout cela, jamais, ne restreigne ni son spectre d’action ni la pénétrante autorité du traitement du thème. La preuve est administrée que la classe et l’efficace sont compatibles.
Je voudrais, pour terminer ce billet, évoquer ce qui, pour moi, est la marque décisive des grands : chaque réalisation de Cochereau est une incitation à la création, à la parole, à l’écriture. L’élan de l’œuvre rebondit à l’intérieur de celui qui la regarde.